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Tzigane de Ravel, 10 infos à retenir

Concert symphonique

Tzigane de Ravel, les 10 infos à retenir

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Nicolas Rosès

1.  Sous le charme d’une violoniste hongroise

Maurice Ravel assiste, en 1922 à Londres, à un concert donné par la violoniste Jelly d’Arányi. Au programme, des œuvres de Béla Bartók, le compositeur lui-même étant au piano. Enthousiasmé, il demande à la jeune femme de lui jouer de la musique de son pays. « D’Arányi, qui était hongroise, ne se fit pas prier et joua avec passion pendant au moins deux heures, sans interruption. Elle fut éblouissante et Ravel, fou de joie... Très peu de temps après  naissait Tzigane » rapporte Gaby Casadesus, qui était du voyage. Jelly d’Arányi l’interprète pour la première fois à Londres le 26 avril 1924.

2.  La Hongrie rêvée de Maurice Ravel

« À l’intention de notre amie, qui joue si aisément, vous m’avez convaincu de composer un petit morceau dont la difficulté diabolique fera revivre la Hongrie de mes rêves et, puisque ce sera du violon, pourquoi n’appellerions-nous pas cela Tzigane ? » C’est ainsi que Ravel informe Bartók de son intention d’écrire une cette pièce. Pourtant, pas de mélodie authentique dans Tzigane, Ravel créé une sorte d'exotisme populaire « dans le style de… » même s’il emploie des modes et rythmes traditionnels, des changements de vitesse impétueux.

3.  L’instrument idéal, le luthéal

Lorsque Maurice Ravel apprend que le facteur d’instruments Pleyel vient tout juste de mettre au point le piano luthéal, un piano « préparé » aux sonorités proche du cymbalum hongrois, il adapte sa partition à ce nouvel instrument. C’est donc dans une version pour violon et luthéal que Tzigane est donné à Paris pour la première fois le 15 octobre 1924. L’unique exemplaire de cet instrument a rapidement disparu.

4.  « Un petit morceau à la difficulté diabolique »

À la lecture du sous-titre voulu par Ravel : « Tzigane, morceau de virtuosité dans le goût d'une rhapsodie hongroise », tout est dit ! Fasciné par la dextérité des violonistes hongrois, il accumule le plus grand nombre de prouesses techniques, s’inspire des périlleux Caprices de Paganini dont il s’est procuré la partition et parsème sa partition de multiples écueils, parmi lesquels les spectaculaires pizzicatos à la main gauche ou encore les harmoniques aux accents surnaturels.

5.  L’inspiration hongroise et tzigane

Le XIXe siècle est marqué la volonté de faire émerger les particularités nationales culturelles, notamment des peuples d’Europe Centrale. Franz Liszt ouvre la voie avec des Rhapsodies hongroises aussi virtuoses que populaires. Dvořák plus tard teinte sa musique d’échos qui laissent entrevoir l’identité musicale slave enfin mise en lumière. Bartók prend le relai avec une authenticité revendiquée. Cette identité rayonne jusqu’en France : « Ces tsiganes donnent envie, tantôt de danser, tantôt de pleurer, ou de faire les deux à la fois [...] on deviendrait fou si on les écoutait plus longtemps ! » écrit Charles Baudelaire.

6.   Hongrie, Espagne, Amérique… Ravel, un compositeur sous influences

Originaire du Pays Basque, Maurice Ravel (1875-1937) est sensible à la culture espagnole. À Paris il fréquente le pianiste Ricardo Viñes, croise fréquemment les compositeurs Albéniz et de Falla. Plus tard il affiche un grand intérêt pour la musique nouvellement arrivée d’Amérique : « Personne ne peut rejeter les rythmes aujourd’hui. La musique récente est pleine d’influences venues du jazz. Le fox-trot et les blue notes de mon opéra L’Enfant et les sortilèges n’en sont pas les seuls exemples. Même dans mon nouveau Concerto pour piano, on reconnaît des syncopes, encore qu’elles soient raffinées ».

7.   Tzigane, le morceau

Ravel a-t-il en tête ces mots de Prosper Mérimée, lorsqu’il compose Tzigane : « ces airs hongrois très originaux, joués par des musiciens bohémiens, qui font perdre la tête aux gens du pays. Cela commence par quelque chose de très lugubre et finit par une gaieté folle qui gagne l'auditoire, lequel trépigne, casse les verres et danse sur les tables » ?

8.   Un début dans le style d’une improvisation

Seul dans le registre grave, le violon commence en totale liberté. Fier ou dramatique, intense ou léger, il pleure, chante, supplie, affirme, mais doute aussi. Puis une seconde partie plus aiguë annoncée par un air en doubles cordes lyrique change l’ambiance. Le violon fait une démonstration de virtuosité : pizzicatos, notes flûtées en harmoniques suraiguës, trilles… Quel tempérament, quelle sensibilité aussi dans cette longue cadence.

9.  De nouvelles couleurs pour une partie centrale alanguie

À l’entrée de la harpe, l’orchestre frémit, l’atmosphère s’enveloppe de brouillard. Le piccolo prolonge le sortilège quelques instants puis, à la fin de cette transition, l’esprit de la danse s’empare du violon qui s’inscrit dans une pulsation retrouvée. L’orchestre, discret, distille en filigrane des notes tenues à la manière du bourdon des musiques folkloriques, agrémenté de dissonances. La première partie de cette danse aux allures hongroises – la czárdás – installe un climat quasi hypnotique.

10.  Pour la fin, une furieuse exubérance

Petit à petit le tempo s’anime. La suite cette csárdás est rapide, presque sauvage, frénétique. L’orchestre et le violon se succèdent dans des phrases musicales aussi rythmées que contrastées. Difficile de ne pas se laisser entraîner par la vivacité et le pittoresque de ce morceau mouvant, tourbillonnant, qui s’achève avec trois accords conclusifs.

Textes : Sylvia Avrand-Margot
 

Extrait

Samika Honda, premier violon solo
Marko Letonja, direction