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Musique de chambre

Henri Tomasi, le mélodiste

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Gregory Massat

Dimanche 12 décembre à 11h

Cité de la Musique et de la Danse - Auditorium

Henri Tomasi
                     Cinq Danses profanes et sacrées, pour quintette à vent                          

Germaine Tailleferre
             Sonate champêtre pour hautbois, clarinette, basson et piano              

Henri Tomasi
Concert champêtre pour hautbois, clarinette et basson

    Francis Poulenc
Sextuor
pour flûte, hautbois, clarinette, cor, basson et piano    

Sandrine Poncet-Retaillaud, flûte - Samuel Retaillaud, hautbois
Jérémy Oberdorf, clarinette - Gérald Porretti, basson
Alban Beunache, cor - Valentin Mansard, piano 

Durée : environ 1h

L’année 2021 marque le cent-vingtième anniversaire de la naissance et le cinquantième anniversaire de la mort d’Henri Tomasi qui, refusant toute forme de sectarisme, affirmait son profond attachement à la mélodie. Les chambristes de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg lui rendent hommage en faisant résonner son œuvre par le prisme de pages de ses contemporains du Groupe des Six : Germaine Tailleferre et Francis Poulenc.

Henri Tomasi
Cinq Danses profanes et sacrées, pour quintette à vent     

Henri Tomasi commence ses études musicales à Marseille, sa ville natale, puis au Conservatoire de Paris dans la classe de Vincent d’Indy. Il obtient un Grand prix de Rome en 1927. Il mènera une double carrière de compositeur et de chef d'orchestre, mais abandonnera cette dernière activité en 1951. Une de ses toutes premières œuvres, écrites au printemps 1918, est un prélude pour piano intitulé Poèmes pour Cyrnos, c'est-à-dire la Corse d'après le nom que les Grecs donnaient à l'île de beauté. De 1946 à 1950, il sera le directeur de l'Opéra de Monte-Carlo. Ses origines méditerranéennes eurent beaucoup d'influence sur son œuvre : « La Méditerranée et sa lumière, ses couleurs, c'est cela pour moi la joie parfaite ». Il revendiquera tout au long de sa vie une incroyable indépendance à l'égard de tous les courants musicaux : « Tout en n'ayant pas craint d'employer souvent les modes d'expression les plus modernes, je suis resté un mélodiste. J’ai horreur des systèmes et du sectarisme. J’écris pour le grand public. La musique qui ne vient pas du cœur n’est pas de la musique ! ». Son œuvre, assez conséquente, se déploie dans tous les genres musicaux : musique de chambre, symphonies, concertos, ballets, oratorios, mélodies et 12 opéras.

Les Cinq Danses profanes et sacrées pour quintette à vent datent de 1959 et leurs titres sont une allusion aux Deux danses - Danse sacrée et Danse profane - que Claude Debussy compose en 1904.

C’est sur un motif vif et rythmé, déployé par le basson, que s’ouvre la Danse agreste. Cependant le tempo régulier sera interrompu par un chant dominé par le hautbois et la clarinette. Par la couleur, l’écriture de la Danse profane est plus « contemporaine ». En son centre, la clarinette et le basson introduisent quelques éléments percutants. Les dernières mesures douces de la Danse sacrée sont une invitation à la prière, menée par le basson. La gaieté de la Danse nuptiale précède la Danse guerrière particulièrement dynamique et alerte.

Germaine Tailleferre (1892-1983)
Sonate champêtre pour hautbois, clarinette, basson et piano

En 1983, avec la mort de Germaine Tailleferre, disparaissait le dernier membre du Groupe des Six (les autres étant Francis Poulenc, Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger et Darius Milhaud), un collectif de compositeurs qui, à la suggestion d’Erik Satie et de Jean Cocteau, se réunirent en 1918. C’est Henri Collet qui nomma ainsi ce collectif dont la revendication était : « Assez de nuages, de vagues, d’aquariums, d’ondines et de parfums de la nuit ; il nous faut une musique sur la terre. »

Germaine Tailleferre manifeste très tôt des dons pour la musique. Elle étudie le piano avec sa mère dès l’âge de deux ans et commence à composer à cinq ans. Malgré l’opposition paternelle, elle entre au Conservatoire de Paris où elle obtient trois premiers Prix (harmonie, contrepoint et accompagnement). Elle rencontre et se lie d’amitié avec les artistes de l’époque : Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Jean Cocteau, Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin. D’ailleurs, Jean Cocteau dira que Germaine Tailleferre était une Marie Laurencin pour l’oreille. Elle continuera d’étudier la composition avec Charles Koechlin et Maurice Ravel.

Lors du premier concert des « Nouveaux jeunes », le 15 janvier 1918, elle présente Jeux de plein air qu’Erik Satie admire et sa Sonatine pour quatuor à cordes qui deviendra par l’ajout d’un troisième mouvement, le Quatuor à cordes.

Des années 20 aux années 80, Germaine Tailleferre composera pour tous les genres musicaux y compris la musique de films. À l’âge de 89 ans, elle compose sa dernière grande œuvre : le Concerto de la fidélité pour voix aiguës et orchestre.

Composée en 1972, la Sonate champêtre est dédiée au compositeur Henri Sauguet. Son style est celui d’une sérénade en plein air. Les thèmes des deux premiers mouvements proviennent de l’opéra-comique Il était un petit navire composé en 1951 sur un livret d’Henri Jeanson. Dans la biographie qu’il consacre à la compositrice, Georges Hacquard note que, lors de la création : « l'accueil, comme il se devait, fut triomphal et Germaine, entourée de ses tout jeunes interprètes, eut droit, non sans attendrissement, aux embrassades reconnaissantes du vieux copain Sauguet. »

Henri Tomasi (1901-1971)
Concert champêtre pour hautbois, clarinette et basson

En 1932, la vie musicale française s’enrichit d’une nouvelle société de concerts de chambre Triton (nom donné par Henri Tomasi), dont l’objet est de créer une scène ouverte à la musique de chambre contemporaine de tout pays et de toute tendance.

Six œuvres d’Henri Tomasi seront créées au cours de ces concerts Triton, dont le Concert champêtre pour hautbois, clarinette et basson le 23 janvier 1939.

Le titre de cette partition pleine d’entrain et de jeunesse renvoie à la musique du rococo français. Au XVIIIe siècle, le terme « concert » désigne une pièce instrumentale en plusieurs mouvements sous forme de suite. Songez aux Concerts royaux ou aux Nouveaux Concerts de François Couperin ! Par ailleurs, le titre de « Concert champêtre » avait déjà été employé par Michel Corrette pour désigner une suite dans laquelle s’insérait des musiques folkloriques. Un thème baroque au rythme affirmé domine l’Ouverture. Dans le Menuet, Henri Tomasi imagine le son d’une vielle à roue (instrument à cordes, frottées par une roue en bois au lieu d’un archet) et, dans la Bourrée, une danse paysanne. Dans le Nocturne, la clarinette accompagnée par les autres instruments, crée une ambiance paisible. Le Finale est un hommage à un genre à la mode XVIIIe, le tambourin, au rythme entraînant et envoûtant. Pour le compositeur, il est aussi un hommage à sa patrie du sud de la France.

Francis Poulenc (1899-1963)
Sextuor
pour flûte, hautbois, clarinette, cor, basson et piano FP 100

Francis Poulenc est né le 7 janvier 1899 à Paris. Son père, Émile Poulenc, d'origine aveyronnaise, dirigeait avec ses deux frères une entreprise de produits chimiques. Sa mère, Jenny Royer, descendait d'une famille d'artisans réputés, ébénistes, bronziers, tapissiers. Poulenc l’Aveyronnais est celui des Motets, du Stabat Mater, des Dialogues des Carmélites. Poulenc le Nogentais, car c'est sur les bords de la Marne qu'enfant, il passait ses plus heureuses vacances, est celui des Cocardes, du Bal masqué, des Mamelles de Tirésias, de L'embarquement pour Cythère. Le jeune Poulenc trouva dans sa famille le milieu idéal pour aimer la musique. Si son père aimait la musique de Ludwig van Beethoven, Hector Berlioz ou César Franck, sa mère préférait Wolfgang Amadeus Mozart, Frédéric Chopin, Franz Schubert et Robert Schumann. La passion du piano lui vint très tôt. À quatre ans, il posait ses doigts sur un clavier et à quinze ans, on le jugea suffisamment bon pour le confier à Ricardo Vines, lequel ne se contentera pas de lui enseigner le piano, mais lui fera connaître les musiciens vivants : Erik Satie, Maurice Ravel, Igor Stravinski, Manuel de Falla. Dès 1916, il commence à composer.

Le Sextuor pour piano, flûte, hautbois, clarinette, cor, basson et piano fut composé en 1932. Francis Poulenc en donna une première audition, le 13 décembre 1933 aux Concerts de la Sérénade. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Francis Poulenc, attendant sa mobilisation, révise « de fond en comble » la partition qui sera jouée le 9 décembre 1940, Salle Chopin, par le compositeur et le Quintette à vent de Paris. À Claude Rostand, il écrit : « En 1934, je vous en avais dit le plus grand mal, mais l’ayant complètement refait en 1939, je suis plus indulgent maintenant, car, rajusté dans ses proportions, mieux équilibré, il sonne très clairement ».

Les premier et deuxième mouvements adoptent une forme tripartite, dans laquelle les parties centrales contrastent au niveau du tempo et du caractère avec les parties extrêmes. Dans l’Allegro vivace, un solo lyrique au basson suivi d’une mélodie poétique rappelant les musiques de salon au début du XXe siècle, interrompt la vitalité initiale. L’inverse se produit dans le second mouvement, où le caractère de divertissement s’affirme dans la section centrale et s’oppose au chant élégiaque du hautbois, entendu au début et à la fin. Le Sextuor se referme sur un Finale plein de vitalité se concluant sur « une coda d’une ineffable poésie » (Renaud Machart).