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Requiem de Verdi - Entretien avec Aziz Shokhakimov

Concert symphonique Conférence

Requiem de Verdi - Entretien avec Aziz Shokhakimov

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Nicolas Rosès

VERDISSIMO !


Page grandiose, le Requiem de Verdi est, comme énoncé précédemment, un hommage à Alessandro Manzoni, une des plus importantes figures du romantisme italien que Verdi admirait profondément, jusqu’à affirmer, le soir de ses funérailles : « Je n’étais pas présent, mais peu de gens auront été ce matin plus tristes et plus émus que moi [...]. Avec lui finit la plus pure, la plus sainte, la plus haute de nos gloires ». L’oeuvre touche profondément Aziz Shokhakimov, le directeur musical et artistique de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, qui livre ici quelques impressions.

Propos recueillis par Hervé Levy 

 

Au cours de votre carrière, notamment au Deutsche Oper am Rhein vous avez dirigé plusieurs opéras de Verdi (Aida, Rigoletto…) : quelle est votre relation avec la musique du compositeur italien ?

J’ai en effet dirigé de nombreux opéras de Verdi. Sa capacité à construire une dramaturgie musicale profonde avec des ressources très simples m’a toujours impressionné. De même, j’ai toujours été inspiré par sa capacité à développer toutes les émotions de ses héros grâce à la musique.

Comment allez-vous aborder cette partition monumentale qu'est le Requiem ? Toute oeuvre a des versions de référence (on pense ici à, par exemple, celle de Daniel Barenboim avec l’Orchestre du théâtre de la Scala de Milan, Anja Harteros, Elina Garanca , Jonas Kaufmann, paru chez Decca) : les écoutez-vous ?

Oui, j’ai écouté quelques enregistrements, mais je connaissais déjà très bien cette musique, car lorsque j’étais étudiant, j’ai aidé mon professeur à la diriger en tant qu’assistant à Tachkent.

Quelles sont les clefs à trouver lorsqu’on dirige une telle partition ?

Dans cette oeuvre, il est très important de maintenir l’équilibre entre l’orchestre et le choeur, en particulier entre les cuivres et le choeur. Je pense que mon expérience dans la fosse m’aidera à trouver ce bon équilibre.

Écrit pour célébrer le premier anniversaire de la disparition d’Alessandro Manzoni, l’oeuvre est « un opéra en robe d’ecclésiastique » selon les mots acerbes de Hans von Bülow qui n’aimait guère Verdi. Mais il pose là une vraie question : est-ce une oeuvre théâtrale ou religieuse pour vous ?

Je dirais que la réponse se trouve déjà dans votre question : pour moi, cette pièce est une musique religieuse, sacrée et théâtrale, et c’est justement cette synthèse qui la rend unique dans la littérature musicale.


Avec à l’esprit les mots de Iago dans l’acte II d’Otello (« La morte è il nulla, è vecchia fola il Ciel » / « La mort, c’est le néant. Le Ciel est une vieille fable »), on pourrait penser que Verdi écrit son Requiem pour les vivants, pour les hommes avant tout… Qu’en pensez-vous ?

C’est une question éminemment philosophique. Cela dépend vraiment de la période de vie des auditeurs et de leur vision de la vie et de la mort. Chaque opinion sur cette musique peut ainsi être juste. La mienne est que cette partition s’attache plus aux émotions humaines et aux sentiments.

Qu’est-ce que cette partition de 1874 dit au spectateur de 2022 ?

Cette musique nous rappelle que nous sommes tous mortels, du moins physiquement, que nous devons chérir chaque minute de notre vie, et que nous devons tous penser à ce que nous laisserons dans ce monde après notre mort.